Parloir

Viviane de Montalembert

 

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 De l'impuissance…
    au principe de la 
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 Magie de Noël :
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  L'amitié.

 La fraude
    mystique

    de Marthe Robin

 Tu aimeras… 
    comme toi-même

 

 


"Dessiner encore"
Coco

                         Éditions Les Arènes


Un drame,        
pas une tragédie !     


"Coco, de son vrai nom Corinne Rey, fait partie des survivants de la tuerie des frères Kouachi, auxquels elle avait ouvert la porte du journal, sous la menace d'une kalachnikov
." (Source AFP, 8/03/2021)

C'est ainsi que la présente le communiqué de l'AFP annonçant sa nomination comme "dessinatrice attitrée" succédant à Wilhem au journal Libération.

Syndrome post-traumatique

Plus qu'un récit graphique, "Dessiner encore" se présente comme un exercice d'introspection. Corinne Rey s'y croque en petit personnage lacunaire – embryon plutôt que femme, deux grands yeux et une épaisse chevelure –, et se met en scène dans le rôle décisif qui fut le sien lors de l'attentat de Charlie Hebdo.

Le dessin, soigné, souvent poignant, traduit en images l'effet de surprise produit par l'intepellation des tueurs – "Coco !” – au bas de l'escalier du journal, la terreur des armes pointées sur elle, comment elle a tapé le code et ouvert la porte au carnage, et la culpabilité qui s'en est suivie.
Corinne Rey se réfugie alors dans le dessin, évite les neuroleptiques et résiste à la dépression. On parle de "syndrome post-traumatique" nécessitant l'intervention des psy et la menant en fin de parcours au cabinet de "Monsieur Jean" auprès duquel elle peut enfin dire et se raconter : comment elle se débat pour ne pas sombrer, roulée par la vague et poursuivie par deux ombres menaçantes – la figure des terroristes qui ne la quittent pas… "Des fois ça va, des fois ça va pas." Elle regrette, mais comment aurait-elle pu faire autrement ? Risquer sa vie pour en sauver d'autres ne fait pas partie de son logiciel.

Un monde à soi

Le reste, qui occupe plus de la moitié de l'album, la montre au sein du journal, avant et après les attentats : son intégration progressive à l'équipe deux ans auparavant, sa dévotion pour Cabu, Tignous, Honoré, Wolinski – une gamine parmi les grands, anxieuse d'obtenir leur approbation. Au-delà du cadre, plus largement : l'histoire des caricatures et leur réception, en France principalement, les manifestations et les procès. Et, après l'attentat : les décisions à prendre pour l'avenir du journal, les conflits internes au groupe des rescapés, les commentaires des politiques. Chacun a droit à sa caricature, complaisante ou féroce selon son décret. La satire fait mouche - Madame n'est pas tendre, elle fait maintenant partie des grands ! Devenue dans l'opinion l'icône des survivants, Coco-qui-a-fait-le-code refait son monde en le racontant.

La dernière page dessine une mer enfin étale, hantée encore par les deux ombres familières. Notre héroïne, qui à aucun moment n'a touché le fond, flotte maintenant à la surface de l'onde ; dans une forme de béatitude elle "fait la planche", figurant ainsi le drame du monde athée : comme sur un lit de mort, porté par son malheur à défaut d'être porté par Dieu.

Pour atteindre au tragique, sans doute eût-il fallu se taire et tendre l'oreille, pour s'entendre dire comme Dieu à Moïse :

"N'approche pas, retire tes sandales,
car elle est sainte la terre où tu te tiens ! " (Exode 3, 5)

Viviane de Montalembert 03/21

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