Mot à Mot


Philippe Lefebvre


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SUITE… 

 

 


Jeudi Saint
Le Lavement des pieds
Jean 13
Jésus lave les pieds de ses disciples. Ce faisant, il s'inscrit dans une tradition qui est bien représentée dans la Bible. Et comme cela arrive souvent, le premier geste qui inaugure la série a une importance toute particulière. Quel est donc le premier lavement des pieds dans la Bible ? C'est celui qu'Abraham propose aux trois marcheurs qui passent près de sa tente aux chênes de Mambré. Les invitant dans son campement, il dit : "Qu'on apporte un peu d'eau. Lavez-vous les pieds, puis étendez-vous sous l'arbre" (Genèse 18, 4). Ce passage de la Genèse est essentiel : les trois visiteurs annonceront à Abraham et à Sara qu'un fils leur naîtra malgré leur grand âge.

Que signifie le lavement des pieds ? C'est une opération que des serviteurs réalisent ("Qu'on apporte de l'eau" s'adresse aux domestiques), mais seul le maître peut la décider. Le maître de maison qui fait laver les pieds de ses invités leur signifie que sa résidence est la leur, que tout ce qui est à lui est à eux. On a les pieds lavés quand on est soi-même le maître de la demeure et qu'on reçoit de ses propres serviteurs l'hommage qui est dû (cf 2 Samuel 11, 8), ou bien quand on est un invité de marque que le maître par ce geste rend son égal.

Cette démarche introduit une équivalence qui engage l'une et l'autre parties : le maître accueille ses invités comme ses pareils, et les invités considèrent à leur tour celui qui les reçoit comme leur semblable. Les trois messagers de Mambré sont des anges et l'un d'eux semble même le Seigneur en personne (Genèse 18, 22). Abraham qui a lavé les pieds de ses hôtes se trouve donc lui-même situé à leur rang.

Jésus réunit en sa personne le serviteur qui accomplit l'humble service et le maître qui décide d'accueillir définitivement ses disciples dans sa demeure. Il souligne vigoureusement cet aspect à l'intention de Pierre qui résiste : "Si je ne te lave pas, tu n'auras pas de part avec moi". C'est là le sens ancien et profond du geste qu'il actualise dans toute sa portée : il s'agit pour ses disciples d'être fils avec lui, le Fils, d'être héritiers avec lui, l'héritier. Il s'agit de demeurer dans la maison du Père que lui-même, Jésus, a reçue en partage. Comme il le dira dans les propos qui suivent le lavement des pieds : "Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures" ; c'est là que Jésus prépare des places pour les siens "pour que là où je suis, moi, vous aussi vous soyez" (Jean 14, 2-3).

Jésus accueille ses disciples comme ses égaux : il les appelle ses "amis" (Jean 15, 15), puis ses "frères" au matin de la résurrection (Jean 20, 17). En contrepartie, les disciples peuvent considérer Jésus comme l'un des leurs. Lui, le Fils de Dieu, manifeste par son geste à quel point il fait participer les siens à sa nature divine, à quel point aussi il est partie prenante de la nature humaine.

Le lavement des pieds est-il un service ? Oui, mais au sens biblique de ce terme. Servir ne signifie pas que l'on s'engage à faire les quatre volontés des autres, à tout moment et quelles qu'elles soient. De fait, aucun des disciples n'a demandé à Jésus de lui laver les pieds, Pierre s'avère même réticent. C'est que Jésus ne sert pas les créatures, mais le Créateur dont le projet bienveillant est éminemment serviable "pour nous les hommes et pour notre salut". Et ce projet est que le Christ se fasse l'un de nous pour nous faire participer à la divinité. Dans le geste simple et profond du lavement des pieds, cette vérité est manifestée. Dieu est à nos pieds pour que nous soyons avec lui, en lui, comme lui. Le Peuple de Dieu témoigne de cette mutation de l'humain en Dieu.
Philippe Lefebvre 03 08
*Ce texte est également édité, en version abrégée et légèrement modifiée, sur le site dominicain : http://www.retraitedanslaville.org/

 

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